"Ici, on voit de la beauté partout"
"J'ai toujours pensé que mon quartier était le plus bel endroit". Montmorencéen d'adoption, Iggy a passé toute sa jeunesse à la Chênée. C'est dans cet univers qu'il apprécie tant, que ce journaliste et styliste, a tourné son premier film de mode. "Home, Where The He(Art) Is" est à découvrir au bas de cet entretien.
Peux-tu te présenter ?
Je me surnomme Iggy, j’ai 28 ans. Mon vrai prénom c’est Igor. C’est un surnom que j’ai adopté et que j’utilise en tant que journaliste et styliste, les deux métiers que j'exerce depuis respectivement sept et deux ans. Je suis spécialisé dans la mode et la musique. Je me suis orienté vers le journalisme après voir ouvert un blog de mode en 2010 ou 2011 avec une amie qui habitait à Soisy qui s’appelle Dan. Cela m’a permis de découvrir cet univers, d’assister à mes premiers événements, mes premiers défilés, découvrir la Fashion Week, ... Cela m’a donné envie d’en faire plus. J’ai eu mon premier vrai job de journaliste au sein de la rédaction d’un site qui s’appelle Pure People. Je suis le responsable de la rubrique mode. Ce job c’était mon stage de validation de licence. Une licence LEA Anglais-Allemand que j’ai suivie à l’Université de Cergy. À l’issue de mon stage, ils m’ont proposé un contrat que j’ai accepté. Je suis né à Toulouse. Mon père travaillait à Paris, il est venu logé ici chez de la famille. Un jour, il en a eu assez de faire des allers retours et de nous voir uniquement le week-end. Tout le monde est monté à Montmorency. J’ai emménagé à Montmorency quand j’avais 10 ans. Ici, on a tout fait. J’étais à l’école la Fontaine, je suis passé au Collège Ronsard puis au Lycée Jean-Jacques Rousseau.
Parlons de ta vidéo sur La Chênée, quel est son concept ?
L’idée, c’était d’abord de faire du stylisme. Je voulais me faire une sorte de démo que je pourrais envoyer à des magazines, des personnalités ou des artistes pour me présenter et dire : "Voilà ce que je peux faire, je sais composer des looks, stylistiquement je sais ce que je fais". J’ai grandi à la Chênée et j’ai toujours trouvé ce quartier très beau. Surtout au printemps et en été quand tous les arbres fleurissent à nouveau. Je me suis toujours fait la remarque que j’ai de la chance d’avoir grandi ici parce que c’est très beau. Je voulais le montrer. Plus jeune, on a eu pas mal de rappeurs doués qui réalisaient des clips ici. Je trouvais que ça ne mettait jamais en avant ce que je voulais montrer. J’ai eu l’idée de la vidéo, j’en ai parlé à deux amis à moi (Luchino Gatti et Amir Amor, ndlr). Ce sont deux réalisateurs et producteurs. Ils habitent à Soisy-sous-Montmorency et ont une maison de production Offwal1990. En 2018, ils ont réalisé un film "Peso". J’avais eu l’idée pour le visage de cette vidéo de prendre une des actrices de ce film qui s’appelle Azade. On a eu beaucoup de chance car elle a accepté et était très enthousiaste. L’équipe de Peso m’a beaucoup aidé : Julien Pallarès, le photographe, Julien Teissier, le chef opérateur. On a fait ça un samedi. Il a fait beau, c’était le petit coup de pouce divin qui nous a fait dire qu’on était dans la bonne direction.
Comment le tournage s’est-il déroulé ?
J’imaginais ce projet comme une sorte de parcours. Quand j’étais plus petit, à la Chênée, tout se passait au niveau du rond-point. Je voulais y commencer la vidéo. J’habite plus bas sur la rue Racine, je voulais qu’on y descende. Comme si je rentrais des cours et du travail. Puis, passer par les commerces, là où tout se passe maintenant, et jusqu’au terrain de football. C’était vraiment un parcours. Je suis venu en repérage pour faire quelques photos et les montrer à Luchino et Amir. J’ai commencé par Florian. Tous les immeubles sont jaunes, un beau jaune qui sortait bien à la lumière. Sur le terrain de football, il y avait plein de petites fleurs. J’ai trouvé ça très beau aussi. J’ai voulu qu’on commence par là. Luchino et Amir m’ont rejoint un autre jour pour un repérage à trois. On a fait notre plan et le jour venu, on est passé à l’action. On a fait exactement comme prévu. Mes parents m’ont gentiment laissé leur appartement pour installer toute l’équipe. On a commencé dans la matinée à Florian pour les premières prises puis nous sommes allés allée de la Chênée. On est revenu sur le terrain de football. C’était un samedi après-midi, il faisait beau et il y avait plein de monde. C’était top. Il y avait des jeunes qui jouaient au foot, d’autres qui discutaient. Certains jouaient à la pétanque. Ça donnait un peu de vie au shoot. On en a profité pour les filmer. C’était intéressant parce que tout le monde nous regardait. Un jeune nous taquinait et nous demandait pourquoi on faisait ça à la Chênée. Un autre lui a répondu : "Mais il est beau notre quartier". Ça m’a montré que j’étais dans la bonne démarche. On a fini avec une troisième et dernière tenue là où il y a les commerces. On était en-dessous et on a grimpé sur le toit aussi. On a réalisé tout ça sans moyens et c’est là qu’on est le plus créatif.
As-tu eu des retours sur cette vidéo ?
J’ai eu des retours professionnels notamment des marques qui ont accepté de me prêter des vêtements comme Levi’s. Je leur ai envoyé des photos et des vidéos. Les marques étaient contentes, visuellement ça rendait bien. Ce sont des retours positifs qui me motivent à en faire davantage. Concernant les habitants, c’était surtout le jour du tournage. C’était un peu un petit spectacle. On était tous autour d’Azade, on prenait soin d’elle. Quand on est venu sur le terrain, des grands nous regardaient. C’était gentil et marrant. Sous les commerces, l’épicier et le boulanger regardaient et se demandaient ce qui se passait. Quand la vidéo est sortie, des amis avec qui on a grandi ici ont reposté la vidéo et les photos. Je pense qu’ils étaient contents car ils connaissent également la Chênée. C’était le quartier où tout le monde venait quand on était petit. Ceux qui habitent dans le centre-ville venaient ici. C’était un petit moment nostalgique qu’on a partagé ensemble.
Quels sont tes souvenirs les plus marquants à la Chênée et à Montmorency en général ?
La Chênée, ce sont surtout des gens. Les gens avec qui je suis allé à l’école, ceux avec qui j’allais au foot, à la salle Florian, au collège, au lycée, … Ce sont énormément de souvenirs. C’est prendre le bus pour aller au collège, frauder le bus et avoir un peu de panique quand on aperçoit les contrôleurs ou qu’on soupçonne leur arrivée. Les premières fêtes aussi quand on allait dans le centre-ville ou plus bas chez des amis et qu’on partait d’ici. À la Chênée, on était un peu les mecs branchés de la ville. Les mecs cools, stylés, qui dansaient, qui ambiançaient les fêtes. Quand il y avait une fête, il fallait que les mecs de la Chênée soient là. Sinon ce n’était pas une fête. On faisait des missions, on partait d’ici et on allait jusque dans le centre voire plus bas. On était une dizaine voire une quinzaine et on descendait tous ensemble. Pendant la marche, c’était rigolade sur rigolade. On remontait le soir. On se tapait toute la côte à pied mais on était tous ensemble et c’était drôle ! Ici, on voit de la beauté partout. Rien que la forêt qui entoure notre quartier, je trouve ça très beau. Dans le centre-ville et plus bas, il y a plein de petits coins exploitables.
Comment perçois-tu l’évolution de ce quartier ?
J’ai le sentiment que ça a bien évolué. L’ambiance du quartier a toujours été bonne. Les gens se voient et se côtoient comme des voisins. Les jeunes également. C’est un quartier comme les autres : qui vit, qui vit bien. Désormais j’habite à Deuil-la-Barre, mes parents sont toujours là, et à chaque fois que je viens ici je me dis que j’ai eu de la chance d’y grandir.